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La famille Marcot à Saint Malo

Auguste Marcot sort de l’école de St Maixent en octobre 1909. Il est nommé sous-lieutenant au 47ème régiment d’infanterie de Saint-Malo.

Auguste et Lucie étant fiancés, Madame Dupays et sa fille partent s’installer à Saint Malo quelques mois avant le mariage. L’adresse figurant sur une carte envoyée par Philippe Ling en mai 1910 est : Villa La Fontaine, Le Sillon, St Malo. Il s’agit sans doute de la chaussée du Sillon qui borde la plage du même nom, à l’est de la vieille ville.

Quel dépaysement pour ces vosgiennes ! Les senteurs nouvelles, les embruns salés, les chamailleries des mouettes, le vent omniprésent, bien souvent la tempête créent une agitation parfois violente qui contraste avec les douces Vosges. Elles quittent les sombres forêts, les brouillards qui peuvent s’accrocher aux branches des sapins des jours entiers, pour se retrouver dans la lumière changeante de la mer.

Cette adresse est provisoire. Dès que Auguste et Lucie seront mariés, ils s’installeront tous les trois dans les nouveaux faubourgs, à l’écart des caprices de la mer et à l’abri d’une digue épaisse et rassurante.

En effet les promoteurs du XIXème siècle ayant décidé de bâtir sur les dunes, une digue est construite entre les plages du Sillon et de Rochebonne. De magnifiques hôtels particuliers vont émerger, face à la mer. La demande de logements de prestige est forte : les bains de mer deviennent à la mode et on assiste à la naissance de ces célèbres stations balnéaires que sont Boulogne, Deauville, Dinard…et bien d’autres qui fleurissent tout au long de ce siècle. Les digues sont des lieux de promenade où il est de bon ton de se montrer.

Lucie devait apprécier la baignade car une photographie qui a malheureusement disparu la montrait dans un costume encore osé en ce début de XXème siècle : pas de jupe bouffante pour cacher ses formes mais un maillot épousant le corps, très décolleté sur la poitrine et s’arrêtant à mi-cuisses ! Notre « faux grand-père », le deuxième époux de Lucie, aimait nous montrer cette photographie en disant : voyez comme elle était belle votre grand-mère ! »

Pour porter son maillot et se baigner en toute quiétude, utilisait-elle l’une de ces fameuses cabines à roulettes qui transportait la baigneuse jusqu’aux flots sans être vue ?

A quelques rues en arrière de la digue de Rochebonne, se trouve la Villa Stipa, rue Kruger, où la famille Marcot, le père, la mère, la belle-mère et bientôt le premier enfant, va vivre quelques années. C’est une maison carrée en briques et pierres. Un escalier de côté mène au perron et permet d’accéder à l’entresol ; au-dessus, un étage et un toit mansardé. Un assez grand jardin permettait aux deux chiens de la famille de s’ébattre.

Le nom « Stipa » est encore visible, gravé dans le pilier du portail. Aujourd’hui un N° de rue a été donné : le 42. Parallèle à la rue Kruger court l’avenue du 47ème Régiment d’Infanterie. La Villa Stipa a-t-elle été choisie pour sa proximité avec la caserne dite de Rocabey où se trouvait le bataillon d’Auguste ? Ou bien, était-il caserné dans le château de Saint-Malo ? Cela expliquerait que le repas de noces ait eu lieu à l’hôtel de l’Univers, situé…juste en face de la caserne !

Ce 47ème R.I. était un régiment important puisque 2000 hommes étaient répartis en trois bataillons, l’un à Rocabey, l’autre intra-muros au château et le troisième à Saint-Servan. Il s’était illustré autrefois en Algérie lors de la prise de Constantine et en Crimée. Il se rendait régulièrement en manœuvres à Quoëtquidan.

A Saint-Malo il était très implanté dans la vie de la cité. Sa musique participait à toutes les cérémonies officielles et donnait des concerts dans le ravissant kiosque à musique de la place Châteaubriand (in Les rues et places de St Malo de Pierre-Jean Yvon).

Cette place était très animée si l’on en juge par les cartes postales de l’époque. Deux hôtels font face à la caserne : Les voyageurs et l’Univers.

Auguste et Lucie ont choisi L’Univers pour réunir leurs amis après la célébration du mariage.  Ce 24 octobre 1910, après les desserts arrosés de Moët et Chandon, Auguste a enlacé sa jeune femme pour ouvrir le bal dans la jolie salle agrémentée de colonnettes et éclairée par de grands lustres en cristal.

D’après leur acte de mariage, les deux jeunes gens venaient de s’unir ce même jour à quatre heures du soir devant Monsieur Viguier, Adjoint au Maire de St Malo. Auguste avait dû préalablement obtenir l’autorisation du Général commandant le dixième corps d’armée en date du 21 septembre. Lucie, même étant majeure, devait avoir reçu le consentement de sa mère. Les témoins étaient deux lieutenants du 47ème, Julien Stiegler et Julien Verly, et deux jeunes femmes de Saint-Malo, Henriette Colas et Berthe Guirand.

Une photographie faite par Kunzi de Saint Malo montre le jeune couple, en buste, dans leur costume de mariés. Lui porte une veste de cérémonie à brandebourgs et elle une robe de dentelles blanches au col montant. Sur le corsage est accrochée sa jolie montre en or.

Ils sont tous les deux très sérieux, comme souvent sur les photographies de l’époque.

Bien différente est la photographie qu’ils font exécuter presque trois ans plus tard sur une plage de St Malo. Bien abrités sous leur tente de plage, ils sourient à l’objectif. Lui, cravaté et en costume civil, veste noire sur un gilet et un pantalon blanc, tient un livre d’une main et de l’autre main caresse la tête de son épagneul. Elle, épanouie en corsage de soie et jupe sombre, tient la main de son petit garçon qui est encore vêtu d’une robe. Il doit avoir environ 10 mois. Derrière eux, la grand-mère tout de noir vêtue et coiffée d’un énorme chapeau, tient sur ses genoux un petit corgi.

Sur la plage à St Malo

C’est l’image d’une famille heureuse. Se doutent-ils que ce bonheur va prendre fin dans quelques mois ?

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