//
La guerre : 1914 – 1915

1°) du 6 septembre au 15 avril, dans l’Oise

Sa fille Colette née le 1er juillet 1914

Plus d’un mois après la déclaration de guerre, Auguste quitte enfin le Maroc pour le front. On imagine son impatience, lui qui s’est engagé dans l’armée pour « regagner l’Alsace et la Lorraine ». En outre sa famille est à proximité des frontières, dans les Vosges. A-t-il eu des nouvelles ? Est-il inquiet ? La seule carte postale qu’il envoie le jour du départ est : « Pensées vers vous mes chéris ». Comme tous les Français, il doit penser que ce sera une guerre éclair et qu’il passera Noël prochain avec les siens, plus tôt que prévu. En effet, dans une carte de l’année précédente, il avait parlé d’une séparation de dix-huit mois, soit un retour en métropole en juin 1915 !

Il ne pouvait se douter qu’il reverrait en effet sa famille à cette date mais pour cause de convalescence. Il aura aussi l’occasion de faire connaissance de sa petite Colette, née un mois avant la déclaration de guerre.

Auguste Marcot est envoyé en France avec les troupes de la 2ème Division du Maroc .

Le 6 septembre 1914, Auguste part de Casablanca. Il arrive sur le théâtre des opérations le 15 septembre 1914. Il prend part à toutes les opérations de la 3ème Brigade Marocaine jusqu’au 4 mai inclus.

C’est la zone d’opération de la VIème armée. La 3ème brigade marocaine est provisoirement rattachée au 13ème corps d’armée.

Le début des hostilités est marqué par l’enthousiasme des soldats qui partent « la fleur au fusil » mais aussi par une organisation toute…militaire. Des soldats instruits et à l’écriture soignée sont désignés pour rédiger les JMO (Journaux des Marches et Opérations). C’est grâce à ces documents que nous allons pouvoir suivre Auguste au jour le jour dans ces premiers mois de guerre.

Suivons donc le journal des marches et opérations du 2ème régiment de marche de la 3ème brigade du maroc (JMO 26N854/1), écrit en bleu pour le distinguer de la narration de l’auteur de cet article :

Le 12 septembre 1914, le 2ème  bataillon du 2ème zouaves, le 1er bataillon du 3ème tirailleurs et le 1er bataillon du 7ème tirailleurs sont réunis à Mérignac sous le commandement du Colonel VRENIERE du 7ème tirailleurs pour constituer le 2ème régiment de marche de la 3ème brigade du Maroc sous les ordres du Colonel CHERRIER.

Sur le JMO, A. MARCOT est inscrit à la 10ème Compagnie du 3ème Bataillon (7ème tirailleurs) mais en fait il est au 1er bataillon. Le chef de bataillon est MARQUET. Il sera remplacé le 1er octobre 1914 par JOULIA.

Le 13 septembre 1914, le régiment est en route sur la gare de Sotteville-les-Rouen. Le bataillon MARQUET part à 22H16.

Le 16 septembre, la 3ème Brigade Marocaine est envoyée sur Carlepont occupé par les Allemands pour porter secours à la 37ème Division encerclée. « A 19H, la 3ème Brigade du Maroc attaque Carlepont. L’artillerie de la 37ème DI reçoit l’ordre de tirer sur le village pour appuyer cette offensive. »

Le 17 en fin de journée, la 3ème Brigade du Maroc n’a pu progresser pour dégager la 37ème Division encerclée dans Caisnes. Cependant le Général Comby décide de s’échapper de la nasse par une marche de nuit en entourant les roues des canons et des voitures de paille et en suivant la crête du Bois de la Montagne.

Au matin du 18, les Allemands, en reprennant leur attaque sur Caisnes et Carlepont, découvrent les villages désertés par les troupes françaises.

(in La Butte des zouaves Quennevières, Didier Guénaff et Jean-Michel Nowak)

Le 16 septembre 1914, à 14H25, l’ordre d’engagement est donné et les régiments sont dirigés sur Carlepont. Le bataillon MARQUET reste en réserve mais vient rapidement renforcer le bataillon CORNUT qui subit un feu violent. A 16H, les bataillons sont maîtres du champ Merlier et occupent les jardins qui donnent sur le ruisseau. Le feu est meurtrier (l’ennemi occupe à Carlepont des positions parfaitement choisies). Les troupes s’installent pour la nuit sur les lieux du combat, couvertes par des avant-postes (dont le bataillon MARQUET). Les pertes au 7ème Tirailleurs sont de 3 officiers et 44 hommes tués, 4 officiers et 136 hommes blessés, 11 disparus.

Auguste fait partie des blessés. C’est son baptême du feu. Il est blessé à l’avant-bras droit par une balle de fusil à Carlepont. Le certificat médical est délivré par le Docteur Saint Léger du 1er bataillon (Bataillon Joulia) du 1er Régiment Mixte de Zouaves et Tirailleurs de la 3ème Brigade du Maroc.

Malgré sa blessure il va rester au combat et donner l’exemple aux hommes de sa compagnie dont il est lieutenant. Son capitaine se nomme Massé, les deux sous-lieutenants sont Nicoul et Méziane (sous-lieutenant indigène).

Entre le 16 et le 17 septembre, la 3ème Brigade du Maroc perd 35 officiers et 1325 hommes de troupe. (in L’Oise au coeur de la Grande guerre, J.Y. Bonnard

Le 17 septembre 1914, le 2ème régiment avec les bataillons CORNUT et MARQUET se dirige sur Laigle et Hesdin. A la sortie de Carlepont, ces deux bataillons sont arrêtés par une fusillade venant de la côte 60 au S.O. de Laigle et prennent position au N.E. du château. Le bataillon MARQUET du S.O. de la route avance jusqu’à la lisière du Grand Maupas. Il ne peut plus progresser par suite d’un feu violent de l’ennemi. A la tombée de la nuit, les avant-postes sont organisés en avant de Carlepont. Le bataillon MARQUET est au sud de la route d’Hesdin.

Le château a été occupé par les Allemands jusqu’à la fin de la guerre. Des ruines existent encore aujourd’hui, à côté de l’église  reconstruite après la guerre. A l’époque, des habitants étaient encore restés au village. Ils furent évacués plus tard car ils gênaient les opérations militaires.

Le 18 septembre 1914, l’ordre de repli sur Tracy le Val commence à 6H50. Le repli est protégé par divers bataillons dont le Bataillon MARQUET qui occupe Maupas. Vers 8H, les bataillons MARQUET et CORNUT sont dans les clairières au nord de Tracy le Val vers la Maison du Garde mais ils reçoivent l’ordre de se diriger vers Nervaise. Ils s’y installent à la lisière nord des bois en attendant les ordres. A 17H, ils reçoivent l’ordre de se diriger vers Bailly. Ils y arrivent dans la nuit. Pas de perte au 7ème Tirailleurs.

Le 20 septembre 1914, à 11H40, l’ordre est donné de se replier vers Bailly St Léger et Rhotondes. Le régiment se replie sous un feu violent. Le bataillon MARQUET occupe la ligne Flandre lisière N.O. de la corne de la forêt. La journée et la nuit sont employées à échanger quelques coups de fusil avec l’ennemi qui occupe Bailly.

Le 21 septembre, les Allemands incendient la très jolie – et originale – église romane de Tracy le Val. Elle a été reconstruite à l’identique. (in Anciens combattants de Tracy le Mont)

Du 21 au 30 septembre 1914, la guerre de position commence.

Le 22 septembre, il fait beau (lu dans l’Illustration) Auguste va réaliser un exploit. Les faits sont résumés dans la citation à l’ordre de la brigade du 3 octobre :

A opéré le 22/9 une reconnaissance périlleuse avec le plus grand courage et la plus grande habileté. S’est approché à cinquante mètres de l’ennemi et a obtenu les renseignements qui lui avaient été demandés, s’est retiré à la nuit tombante sans avoir perdu un homme grâce à des mesures judicieuses.

Par de nombreux témoignages, on sait que les indigènes sont courageux, voire téméraires. Auguste a su les encadrer sans commettre d’imprudence. Il a vécu avec ces hommes au Maroc, les a instruits et une certaine complicité s’est installée entre eux.

Le 1er octobre 1914 : Dans la nuit du 30 au 1er, une section du génie renforce les abris de la section de mitrailleuses et organise des réseaux de fil de fer en avant des tranchées de Flandre et de la lisière nord de la forêt de Laigle (en fait c’est la forêt de LAIGUE). Le capitaine JOULIA du 1er Zouaves prend le commandement du 1er bataillon du 7ème Tirailleurs (Bataillon MARQUET). Le commandant CORNUT reçoit le commandement de toutes les unités qui occupent Bailly

Le 8 octobre 1914, à 16H, la compagnie LAPOUGE  arrêtée par des feux violents d’infanterie provenant des tranchées situées sur la rive droite de l’Oise est renforcée à 18H par la 2ème Compagnie du 7ème Tirailleurs (Compagnie MASSE). De 20H à 22H, l’ennemi attaque Nervaise et les éléments avancés de la compagnie LAPOUGE.

4 tués et 10 blessés au 7ème Tirailleurs

Le 9 octobre 1914, le Capitaine JOULIA transporte son commandement dans une maison Sud de Bailly. Les travaux de défense sont rendus difficiles par un feu très violent d’infanterie et d’artillerie.

15 tués et 24 blessés au 7ème Tirailleurs .

Le 10 octobre 1914, à 10H, la Compagnie MASSE du 7ème Tirailleurs occupant Flandre entre en liaison avec une compagnie du 38ème d’Infanterie venu occuper la ferme Marc sur la rive droite de l’Oise.

1 officier blessé, 3 tués, 13 blessés et 2 disparus au 7ème Tirailleurs.

Le 11 octobre 1914, canonnade très violente.

1 officier blessé, 1 tué, 6 blessés, 1 disparu au 7ème Tirailleurs.

Le 12 octobre 1914, à 4H, la 2ème Compagnie du 7ème Tirailleurs (Compagnie Massé) relève à Bailly la 3ème Compagnie.

Dans la journée, l’artillerie ennemie canonne Bailly et ses abords avec une très grande intensité. Les compagnies de Bailly perfectionnent leurs abris, un boyau de communication est poussé jusqu’aux éléments avancés.

Le 13 octobre 1914, 4 tués et 7 blessés au 7ème Tirailleurs

Le 14 octobre 1914, le Bataillon JOULIA est relevé.

Le 16 octobre 1914, un peloton de la compagnie Massé (7ème Tirailleurs) est envoyé garder le pont de Montmacq jusqu’à l’arrivée de la relève du 3ème zouaves.

Du 17 au 24 octobre, la compagnie Massé du 7ème Tirailleurs est au Puits d’Orléans à St Léger pour y former réserve de secteur.Pendant ce temps les troupes renforcent les fortifications des tranchées. Le 24 octobre, pour faciliter le passage de la rive droite à la rive gauche de l’Oise, une section du Génie organise un bac à portière près de la ferme de la tuilerie.

Le 25 octobre 1914, à 3H45, relève à Bailly du bataillon CLEMENT par le bataillon JOULIA. La compagnie Massé va s’installer dans le secteur ouest de Bailly.

Du 26 au 30 octobre 1914, situation stationnaire. Le bataillon JOULIA progressant vers le Nord construit une nouvelle barricade dans la rue centrale de Bailly, aménageant une embrasure pour le tir éventuel de notre canon de 80 de montagne.

2 blessés au 7ème Tirailleurs

Le 31 octobre 1914, la première ligne a l’ordre de manifester de l’activité sur tout le front pour appuyer l’attaque de la 37ème Division sur Quennevières, Maison Rouge et les Loges. Pour remplir cette mission le bataillon JOULIA reçoit l’ordre de tenter un effort sur les maisons situées en avant de la première ligne, pendant que les compagnies Lapouge et Nasica exécutent sur l’adversaire un feu nourri.

4 tués et 11 blessés au 7ème Tirailleurs

La compagnie Massé du 7ème tirailleurs a payé le plus lourd tribut aux combats.

Le 6 novembre, un officier est blessé aux 7ème Tirailleurs. S’agit-il du Capitaine Massé ? Cela expliquerait que Auguste ait été nommé le 6 novembre 1914 capitaine à titre provisoire, commandant la 1ère compagnie du 7ème tirailleurs. (Massé est cité dans le JMO le 4 novembre pour la dernière fois)

Voici l’appréciation qu’on peut lire dans son livret militaire et qui entérine cette décision :

Le lieutenant Marcot commande depuis le 6 novembre la 1ère Compagnie du 7ème Tirailleurs. C’est un officier intelligent, vigoureux, énergique, plein d’allant et d’entrain qui dirige son unité avec la plus grande compétence. Très aimé de ses hommes dont il s’occupe beaucoup et auxquels il donne à tous les points de vue le plus bel exemple, il possède sur eux un réel ascendant et en obtiendrait les plus gros efforts. Le lieutenant Marcot est proposé pour le grade de Capitaine à titre temporaire : il fera un parfait commandant de Compagnie. Jonchery 17 février 1915, le Lieutenant-Colonel L. TREMIERES.

Vu 28/2/15 , le Général CHENOIR

Mais reprenons le cours du JMO :

Le 5 novembre 1914,  vers 19H30, l’ennemi prononce une attaque sur nos éléments avancés de Bailly. Une fraction s’avance vers les tranchées situées à l’Est de la route occupées par la section du lieutenant BOUKABOUYA de la 1ère compagnie du 7ème Tirailleurs ; une autre fraction utilisant les maisons et les ruines situées à l’Ouest de la route, se dirige sur le mur crénelé occupé par la section de l’adjudant chef POLI de la même compagnie. Ces deux sections, grâce à un feu très violent, parviennent à arrêter l’ennemi qui peut se retirer à la faveur d’un brouillard très épais.

2 tués et 8 blessés au 7ème Tirailleurs

NB : Il s’agit peut-être de Rabah Boukabouya, officier du 7ème RTA, qui déserta en avril 1915 (lu P.14 du JMO 26N 854/2, pertes de la journée du 15 avril : 1er bataillon du 7ème T, 1ère compagnie,  Boukabouya, lieutenant, disparu et  Brikia, caporal, disparu) car on aurait refusé de le nommer capitaine en remplacement du titulaire, tué au feu, au profit d’un lieutenant français,européen d’Algérie. (in Les Colonies dans la Grande Guerre de Jacques Frémeaux, 14/18 éditions)

Cette période de brouillard qui durera quelques jours marque le début d’une guerre de position qui ne devait pas plaire au bouillant Auguste. En effet pendant les longs mois d’hiver, dans la grisaille, le froid et l’humidité, les hommes vont connaître pour la première fois la vie des tranchées si usante pour les nerfs. Ils s’occupent à consolider les boyaux et les réseaux de fil de fer. La monotonie des jours est interrompue par de violentes canonnades, des fusillades réciproques, quelques attaques. Le rapporteur du Journal des Marches et Opérations, faute de mieux, signale quelques faits anodins tels la vue d’un avion ennemi, l’apparition d’un mystérieux cavalier ou la mort d’un mulet, tué lors du bombardement de son écurie…

A partir du 19 février 1915, le JMO est écrit sur un nouveau cahier et le nouveau rapporteur prend le soin de nommer les blessés et les tués.

Le 19 février 1915, le bataillon JOULIA est au repos, grotte du Docteur Prat. Le 21 février, il se prépare à la relève dans la nuit et le 22 février, il occupe la 1ère ligne du front N°5, les 1ère, 2ème et 4ème compagnies sont en 1ère ligne, la 3ème compagnie est en réserve.

Le 24 février 1915, très violent bombardement de la ferme d’Ecafaut où se trouve les deux compagnies de réserve. Le bataillon JOULIA signale la mort de l’Adjudant-chef PORTE.

Le 25 février 1915, violent bombardement sur le bataillon JOULIA. Le 26, il signale la blessure du sous-lieutenant Salmon.

Du 27 février au 8 mars 1915, pas d’action importante mais le tirailleur Djouab de la 1ère compagnie est tué.

Le 9 mars 1915, les 3 bataillons (Clément, Cornut et Joulia) sont toujours en 1ère ligne. Renforts arrivés dont 33 hommes au bataillon JOULIA (1er bataillon du 7ème Tirailleurs).

Le 13 mars 1915, les bataillons CLEMENT et JOULIA sont relevés et vont cantonner à Trosly-Breuil avec l’Etat Major du régiment. Le 14 mars, ils procèdent aux travaux d’installation du cantonnement. Le 16 mars, ils exécutent des exercices de rangs serrés.

Le 19 mars 1915, le colonel CAZENOVE est affecté au 1er régiment mixte de zouaves et tirailleurs

Le 25 mars 1915, citation du sous-lieutenant SALMON Frédéric du 1er bataillon du 7ème Tirailleurs, grièvement blessé (le 25 février, voir plus haut).

Le 14 avril 1915, la 3ème brigade marocaine est affectée à la 153ème DI et quitte la région de Carlepont pour aller combattre en Belgique (Yser, Het Sas, Stenstraete)

Ce secteur de l’Oise ne semble pas avoir intéressé grand monde, il est peu cité dans les journaux de l’époque. Auguste doit ronger son frein. Jusqu’alors, il n’a pas vraiment connu la guerre. Cela ne va pas tarder à changer car le 14 avril 1915, la 3ème brigade du Maroc est expédiée en Belgique après avoir été citée à l’ordre.

Auguste va profiter des moments de repos qui précèdent le départ pour envoyer quelques cartes postales. Celle du 8 avril fait mention d’un sous-lieutenant de sa compagnie, Orioux, qui a expédié des

Colette et Jean, début 1916

dates pour les enfants « qu’il trouve mignons comme tout ». On imagine Auguste assez proche de ses hommes pour montrer les photos qu’il garde sur lui. Sa dernière carte avant de partir pour l’enfer de Het-Sas est destinée à sa petite Colette : « tendres caresses » lui écrit-il le 21 avril.

2°) du 15 avril au 4 mai, en Belgique

Le 25 avril, , Auguste se trouve au cœur des bombardements. Les instructions données au 1er régiment mixte en première ligne est de « tenir coûte que coûte ». Du 28 avril au 4 mai, le Journal se remplit d’instructions données par les généraux. Peu d’actions sont menées dans l’attente de l’ordre d’attaque.

Le 4 mai 1915, à 7H, ordre d’attaquer la côte 14. Instructions de MORDACQ. A 8H45, compte-rendu  du commandant JOULIA indiquant que son bataillon est en 1ère ligne dans le secteur compris entre Het-Sas et Lizerne.

Au 1er bataillon du 7ème Tirailleurs, 22 tués dont le capitaine Albert Thénin et 62 blessés dont le lieutenant Marcot.

C’est un désastre pour le régiment, particulièrement pour les deux bataillons Joulia et Cornut. Rien ne s’est passé comme prévu. La compagnie d’Auguste ne se trouve pas en 1ère ligne. C’est la 2ème compagnie qui a dû se porter à l’attaque de « La Maison du Collègue » et s’est fait piéger par un fossé plein d’eau, infranchissable. Auguste est probablement en 2ème ligne, laquelle subit un bombardement effroyable de l’ennemi. Auguste, comme on peut le lire plus bas dans sa citation, se démène pour porter secours aux hommes qui tombent. Cette attaque, apparemment si bien préparée, si l’on en juge par les instructions consignées dans le Journal, n’a pas prévu de service médical ! Et l’officier de la 1ère compagnie, de combattant, se transforme en brancardier (sans brancard probablement).

Mais il tombe à son tour. Le rapport médical précise qu’il est blessé à la fesse droite par éclat d’obus à Het Sas (Belgique). Les témoins sont sergents au 7ème Tirailleurs, 20ème Corps d’armée, 13ème Division, 3ème Brigade du Maroc. Il est évacué le jour même.

Il est cité à l’ordre de la Division le 12 mai 1915 et nommé officiellement Capitaine le 6 mai :

Modèle de calme de courage et d’énergie. Sous un bombardement intense, s’est multiplié pour donner les soins aux blessés en l’absence de tout service médical. A été blessé par un éclat d’obus en remplissant cette mission.  Signé Général DELIGNY, copie manuscrite de Lieutenant Colonel CAZENOL, commandant le 1er régiment mixte de zouaves et tirailleurs.

Voilà Auguste obligé de quitter le champ de bataille, abandonnant à regret les hommes dont on lui avait confié la responsabilité.  C’est sans doute à l’hôpital qu’il apprendra avec horreur que le régiment a été décimé douze jours plus tard : 157 tués, 329 blessés et 34 disparus. Il va sans doute ressentir une forte culpabilité d’avoir lâché ses tirailleurs juste avant ces effroyables combats. Cela explique qu’on peut lire dans son livret militaire, lorsqu’on l’envoie en Algérie après sa convalescence, qu’il « voulait retourner au front ».

Pendant son mois de convalescence (à partir du 24 juin), ce sera difficile –comme tous les permissionnaires de cette époque – de détacher sa pensée des camarades du front. Parviendra-t-il à profiter de sa famille dans cette calme petite ville de Remiremont qui n’a guère changé ? L’église abbatiale des Chanoinesses est toujours debout, les arcades de la rue principale continuent à abriter les promenades frivoles des garçons et des filles. La forêt est intacte et diffuse ses parfums d’été. Pense-t-il alors à d’autres forêts déchiquetées qui ne diffusent que des parfums de mort ? Malgré ses vœux de reprise du front, il reçoit son affectation pour l’Algérie : on a besoin de lui, de son sens pédagogique, de sa connaissance de la langue arabe, de son sens du contact avec les indigènes pour recruter de nouveaux combattants. La France a besoin d’hommes, de « chair à canon », dira-t-on plus tard.

Discussion

Pas encore de commentaire.

Laisser un commentaire