//
« Auguste, le fil interrompu »

Auguste épouse Lucie le 24 octobre 1910. Pour fêter ce centenaire, Mod, sa petite-fille a voulu éditer un beau livre à la mémoire de son ancêtre méconnu, « Auguste, le fil interrompu ».

Elle a écrit son histoire. Plutôt qu’une biographie, c’est un essai basé sur les faits réels dont elle a eu connaissance par des documents historiques et par une correspondance. L’imagination de l’auteur a fait le reste…

Le « livre d’artiste » est paru en octobre 2010.

Article du journal l’Union du 31 octobre 2010

Il a été magnifiquement illustré par des gravures de Marie-Christine Bourven dont l’atelier se situe à Reims. Chaque livre, sorti à 20 exemplaires, comporte 13 gravures originales.

Une autre édition, plus modeste et sans gravure originale vient de paraître (l’automne 2011).

Voici quelques extraits :

Des griffes lacèrent ses entrailles, les crocs d’une bête immonde fouillent ses intestins, des ondes de douleur et de terreur parcourent tout son corps. Elles atteignent son cerveau et soudain il se rappelle l’éclair blanc, le tonnerre assourdissant, l’explosion et son averse de projectiles. Sa pensée a juste mémorisé une tête lancée comme un obus, arrachée d’un corps inconnu. Elle le frôle et il n’en retient que la bouche béante, ouverte sur un cri que personne n’entend. Il bascule en arrière pour fuir cette vision d’horreur et ne sent même pas le transpercer les éclats de l’obus. Maintenant cette tête grimaçante le poursuit et il s’agite. Des poignards acérés, des aiguillons de douleur le torturent sans répit. Sa tête résonne encore du vacarme de l’explosion. Dans un effort surhumain son grand corps se redresse pour tenter d’échapper à ce cauchemar. C’est alors qu’il aperçoit que son ventre n’est plus qu’un magma noir teinté de rouge sur lequel s’accrochent des lambeaux de son uniforme.

L’infirmière entend la faible plainte et fait signe au médecin major qui circule entre les lits de camp alignés.

« Qui est-ce ? », demande-t-il.

Elle jette un coup d’œil sur l’étiquette d’identité accrochée au cou du blessé :

« Capitaine Marcot, 7ème Tirailleurs, on vient juste de me le ramener du front : éclats d’obus dans le ventre. »

Pendant son agonie, Auguste revit la guerre et ses horreurs mêlée à des souvenirs de jeunesse. Ces moments sont illustrés par les cartes postales qu’il recevait de ses petites amies et de sa future femme et qu’il envoyait lui-même.

En voici quelques unes : Le jardin du Luxembourg et Auguste à Marrakech

   

Et des extraits du livre :

Elle lui envoie aujourd’hui une vue de Montmartre, sans doute pour flatter ses sentiments religieux. En effet cette année là, les opérations d’inventaire, faisant suite à la loi de séparation, ont commencé dans les églises de France. Cela provoque un tollé chez les catholiques et bon nombre d’officiers, spécialement en Lorraine – patrie de Jeanne d’Arc ! – font acte de désobéissance, tel le lieutenant Tricornot de Rose qui refuse de forcer l’entrée des églises de Lunéville. Même le général Lyautey, pourtant peu pratiquant, s’en indigne !

Lyautey…Depuis quelques années déjà, cette figure lorraine fait rêver le jeune Auguste. Il a lu le livre tant décrié dans les milieux conservateurs Du rôle social de l’officier dans le service universel . Il s’imagine

dans la peau de cet officier instructeur et pédagogue. Comme la plupart des Français de son époque, Auguste tourne ses regards vers les Colonies, ces mystérieuses et attirantes contrées qui ont tant besoin de la Civilisation ! Mais pas à n’importe quel prix ! « Ne froisser aucune tradition, a écrit Lyautey lorsqu’il était au Tonkin, ne changer aucune habitude. Il y a dans toute société une classe dirigeante, née pour diriger, sans laquelle on ne fait rien. »                                                                                                                                Une image bien pittoresque que l’on se faisait du Maroc…

Lorsqu’il y a un peu plus d’un an, Guillaume II a débarqué à Tanger, cette démonstration de force a exacerbé l’esprit patriotique de beaucoup de jeunes militaires, avides d’en découdre avec les Prussiens ! Le Maroc à l’Allemagne ? Pas question, se dit Auguste, qui songe bien souvent à cette terre d’aventures…

Et voici la fin…

Mardi 4 juillet 1916 – Voici ce que rapporte l’historique du 7ème RMT :

La Division Marocaine intervient à partir du 4 pour continuer l’effort des troupes d’assaut arrêtées à l’ouest de Belloy et de Barleux. Mais les conditions du combat ont changé. La profondeur de la progression rend très précaire l’appui de l’artillerie. L’ennemi, un instant bousculé, s’est ressaisi ; il a creusé dans les hautes cultures des éléments de tranchées qui, échappant au repérage, ont peu à souffrir de nos obus. Le 4 juillet, à 16h, les capitaines adjudants majors sont appelés près du colonel où ils reçoivent ses instructions pour opérer une reconnaissance immédiate en vue de la relève du 23ème Colonial dans la nuit.

Mercredi 5 juillet 1916 – Auguste Marcot entre à l’hôpital d’évacuation 13SP111 de Marcelcave. Blessure inguinale.

 La reconnaissance n’avait pu aboutir. Auguste, frappé par un obus, s’était écroulé. Son ordonnance était parti le chercher et l’avait porté sur son dos jusqu’à l’ambulance. On ne lui avait pas permis de l’accompagner à l’hôpital.

Ce livre « Le fil interrompu » peut être acquis actuellement à la librairie Largeron/La Procure de Reims et également à la librairie Lire et écrire de Remiremont.

Son prix de vente est de 22 €

Voici un article paru dans le Journal « L’Union » de Reims le 6 novembre 2011

Un commentaire de Hélène :

Discussion

Pas encore de commentaire.

Laisser un commentaire